Manières Noires
Les artistes présentés dans l’exposition ont été choisis pour leur utilisation délibérée, jamais anecdotique, du noir. L’art en a fait un usage variable mais constant, de l’âge des cavernes à nos jours. Mais le geste audacieux que Kasimir Malevitch posa en 1915 en exposant son Carré noir sur fond blanc a propulsé le noir au rang des valeurs iconiques, lui ouvrant ainsi une voie royale...
S’il est omniprésent aux XXe et XXIe siècles dans les arts plastiques (Dubuffet, Serra, Broodthaers, Boltanski, …), revêtant une diversité de matières, de formes et de contenus, le noir s’est imposé également dans d’autres domaines de la création : c’est le propos même de l’exposition « Manières noires ».
Dès ses origines, le noir est partie intégrante de la photographie ; il en est même l’un des composants fondamentaux. A l’heure du numérique et du rendu parfait de la couleur, bon nombre d’artistes continuent à explorer les infinies possibilités du noir : Sugimoto, Braeckman,…
Il en va de même en ce qui concerne le cinéma : certains cinéastes expérimentaux utilisent soit la bande amorce noire comme support de la représentation, soit la bande de film comme surface graphique, soit le défilement d’images noires et blanches en alternance, soit encore le film… sans pellicule (Diaz Morales, Tambellini,…).
La bande dessinée, depuis ses origines, s’est construite à partir du trait noir : d’abord contrainte technique, il s’est mué, chez différents auteurs (Blutch, Tardi, David B.,…) en un parti pris esthétique.
Dans le design, l’utilisation du noir a longtemps été dictée par des nécessités matérielles et fonctionnelles, dont il s’est affranchi peu à peu pour relever du choix artistique de la radicalité (Marcel Wanders, Tom Dixon,…).
La mode et le noir entretiennent une relation séculaire qui s’est définitivement resserrée à la fin du XIXe siècle et a connu son apogée avec la création, par Coco Chanel, de « l’indispensable petite robe noire », suivie par les collections noires monochromes de « Comme des garçons », les tenues punk de Vivienne Westwood et celles, avant-gardistes, des « Six d’Anvers » … Sans oublier les accessoires en dentelle noire de chantilly et les bijoux de deuil, dont on fait remonter l’usage à la reine Victoria d’Angleterre, veuve inconsolable.Les significations symboliques du noir sont nombreuses et paradoxales. Tout à la fois synonyme de malheur, de mort, de peur ou d’austérité, il évoque également l’autorité, la moralité, la sobriété, le raffinement, l’élégance …